La Femme qui libéra les Rapa Nui. Prophétesse, sorcière, voyante, visionnaire, révolutionnaire ou possédée par Dieu ?

María Angata Veri Tahi a Pengo incarne une figure exceptionnelle dans l'histoire de l'île de Pâques, symbole de résistance et d'émancipation pour les Rapa Nui.

Prophétesse, sorcière, voyante, visionnaire, révolutionnaire, possédée par Dieu ?

À une époque où la population autochtone était soumise à des conditions de vie déplorables, confinée dans des espaces restreints à Hanga Roa et privée de ses droits les plus fondamentaux, cette femme remarquable, malgré son âge avancé, plus de la soixantaine, et ses infirmités, s'éleva contre l'oppression.

Au début du XXe siècle, les Rapa Nui étaient confrontés à des restrictions sévères, imposées par les autorités coloniales, qui les reléguaient dans un espace confiné, les traitant moins comme des êtres humains que comme du bétail.

 

C'est dans ce contexte de répression et de désespoir que María Angata se révéla en tant que meneuse d'une révolte sans précédent. Par ses actes et ses paroles, elle réussit à insuffler un esprit de rébellion et d'espoir parmi les siens, orchestrant une révolte qui, pendant 37 jours, permit aux Pascuans de retrouver un sentiment d'appartenance, de fierté et de liberté.

 

La révolte menée par María Angata ne fut pas seulement une lutte pour des ressources matérielles ou des revendications territoriales ; elle fut aussi et surtout une bataille pour la dignité, l'identité et la reconnaissance de la culture Rapa Nui. Pendant ces 37 jours, les Pascuans purent s'affranchir temporairement du joug de leurs oppresseurs, renouant avec des aspects essentiels de leur héritage culturel et spirituel, oubliés ou réprimés.

 

María Angata, par ses actions et sa vision, fut bien plus qu'une simple meneuse de révolte. Elle se positionna en prophétesse, en visionnaire, voire en révolutionnaire, en dépit des étiquettes de "sorcière" ou de "possédée" que certains ont pu lui attribuer, par incompréhension ou par mépris de sa cause. Sa lutte incarnait une forme de résistance spirituelle autant que physique, puisant dans des croyances et des traditions ancestrales pour galvaniser son peuple.

 

Aujourd'hui encore, María Angata est célébrée comme une icône de la résilience Rapa Nui, un symbole de la quête incessante de liberté et de justice. Son héritage perdure dans la mémoire collective des habitants de l'île, rappelant l'importance de la lutte pour l'autodétermination et le respect des droits et des cultures indigènes. Sa révolte, bien que brève, a laissé une empreinte indélébile sur l'histoire de l'île de Pâques.

 

Dans ce contexte, les Pascuans se retrouvèrent dans une position vulnérable, aux prises avec les défis d'une intégration nationale difficile et les séquelles d'une colonisation qui avait profondément altéré le tissu social et culturel de l'île.

 

L'année 1914, ainsi que les années qui l'entourèrent, sont révélatrices des difficultés rencontrées par les Pascuans pour préserver leur identité, leur culture et leur autonomie dans le cadre d'une gouvernance qui ne tenait pas compte de leur spécificité et de leur histoire.

En 1914 la Faim Faisait Rage

Après l'épisode marqué par les ambitions et les conflits liés à Dutrou-Bornier et à Alexander Brander, l'île de Pâques traversa une autre phase difficile de son histoire avec la mise en location de ses terres à une compagnie d'élevage, principalement axée sur la production ovine.

 

Cette période est emblématique des abus et de l'exploitation dont ont été victimes les Pascuans, illustrant une nouvelle forme de colonisation économique et sociale, où les intérêts commerciaux prévalaient sur les droits et le bien-être des populations autochtones.

 

La Compañía Explotadora Agrícola y Ganadera, dirigée par l'affairiste d'origine française Enrique Merlet, exerça un contrôle quasi total sur l'île, se comportant en souverain des terres et des ressources.

 

Cette domination se traduisit par des restrictions sévères pour les Pascuans, qui se virent confinés dans un espace restreint de seulement un millier d'hectares autour de Hanga Roa, privés de leur liberté de mouvement et de leur droit ancestral à exploiter les ressources de leur île.

 

Les mesures imposées par la compagnie d'élevage incluaient des interdictions draconiennes, comme celle de chasser ou même de pêcher, activités traditionnelles cruciales pour la subsistance des Pascuans. Cette situation créa un contraste saisissant entre la précarité et la faim endurées par les habitants de Hanga Roa et l'abondance du bétail élevé par la compagnie, séparé de la population par des murs de pierres et des clôtures de barbelés.

 

La demande des Pascuans pour un accès équitable à la viande, une ressource abondante juste au-delà des barrières qui les emprisonnaient, était une requête modeste face à l'ampleur des restrictions imposées.

 

L'arrivée annuelle d'un bateau en provenance de Valparaiso, apportant des provisions insuffisantes, ne faisait qu'accentuer le sentiment d'isolement et de délaissement des Pascuans, exacerbant les tensions entre les intérêts commerciaux de la compagnie et les droits fondamentaux des habitants de l'île.

María Angata entre en Scène

En juin 1914, au cœur de l'hiver austral sur l'île de Pâques, le mécontentement parmi les Pascuans atteignit un point de rupture. Dans ce contexte de privation et de frustration exacerbée par les conditions imposées par la Compañía Explotadora Agrícola y Ganadera, la figure de María Angata émergea comme un symbole de résistance et d'espoir pour son peuple. Malgré son âge avancé et ses handicaps physiques, cette femme remarquable, jouant le rôle de catéchiste pour la mission locale, prit la parole pour défendre les droits et la dignité des Pascuans.

 

Devant un auditoire rassemblé autour d'un feu, María Angata évoqua des visions de liberté et d'autonomie, appelant à briser les chaînes de l'oppression en revendiquant le droit de consommer le mouton abondant sur l'île, de circuler sans entraves et de réclamer la restitution des terres ancestrales.

 

Sa détermination et son charisme lui valurent des comparaisons avec des figures historiques telles que Jeanne d'Arc et Geronimo, reflétant son rôle de meneuse inspirante dans la lutte contre l'injustice.

 

La révolte initiée par María Angata plongea les agents de la compagnie d'élevage dans un état de peur et d'incertitude, craignant pour leur sécurité face à une population enfin galvanisée pour défendre ses droits. Pendant plus d'un mois, l'île connut une atmosphère de défiance ouverte, marquée par des actes de résistance qui mirent à mal l'autorité de la compagnie.

 

Cependant, cet élan de rébellion fut de courte durée. Au bout de 37 jours, l'intervention de la marine chilienne vint brutalement réprimer le soulèvement, rétablissant l'ordre établi par la force et confirmant la mainmise de la compagnie sur l'île. Les Pascuans se retrouvèrent à nouveau confinés dans les limites étroites de Hanga Roa, un état de fait qui perdura jusqu'aux années 1960.

 

Malgré cette funeste fin du soulèvement des insulaires, la mémoire de María Angata et de son combat continue d'inspirer les générations présentes et futures, rappelant l'importance de lutter pour la reconnaissance des droits et de la dignité des peuples autochtones.

Qui était cette Jean d’Arc des Pascuans ?

María Angata Veri Tahi a Pengo, une figure emblématique de l'île de Pâques, vécut une existence qui traverse et reflète les périodes tumultueuses de l'histoire de son île natale.

Née en 1853, dans un contexte où l'île jouissait encore d'une relative autonomie, elle fut témoin des bouleversements majeurs qui allaient marquer profondément la société pascuane.

 

Issue du clan royal des Miru, María Angata grandit dans une île qui n'avait pas encore subi les dévastations des grandes razzias esclavagistes perpétrées par les Péruviens.

À cette époque, la société pascuane, bien que fragilisée par des facteurs internes, maintenait ses structures traditionnelles et ses liens culturels, sans une influence extérieure significative.

 

Cependant, l'arrivée des bateaux péruviens en 1862 marqua un tournant dramatique dans la vie de la jeune Angata et de son peuple. Par la tromperie et la force, environ un millier de Pascuans, dont des membres de l'élite tels que nobles, prêtres, et ceux capables de lire l'écriture rongorongo, furent emmenés, laissant derrière eux un vide culturel et social.

 

La perte de cette classe dirigeante et érudite plongea l'île dans une période de chaos et d'incertitude, exacerbant la vulnérabilité de la société pascuane face aux influences et aux interventions extérieures.

Les décennies suivantes virent l'île passer sous l'influence de figures telles que le "roi" français Dutrou-Bornier, et se transformer progressivement en une immense exploitation agricole et pastorale sous la direction de la Compañía Explotadora Agrícola y Ganadera.

 

Tout au long de ces épreuves, María Angata demeura un pilier de résilience et de leadership au sein de sa communauté. Sa capacité à naviguer dans ces périodes de transition, tout en préservant et en défendant l'héritage culturel et les droits de son peuple, fait d'elle une figure exemplaire de l'histoire pascuane.

 

Son rôle dans la révolte de 1914 contre les conditions oppressives imposées par la compagnie d'élevage illustre son engagement indéfectible en faveur de la justice et de l'autonomie pour les Pascuans.

 

Le portrait unique de María Angata, capturé lors de l'expédition de Mrs. Routledge en 1914, offre un rare aperçu visuel de cette personnalité marquante, dont la vie et l'œuvre continuent d'inspirer et de résonner dans la conscience collective des Rapa Nui.

Sa mémoire incarne la lutte pour la survie culturelle et la dignité dans un monde en mutation rapide, rappelant l'importance de préserver l'identité et les traditions face aux défis extérieurs.

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